Friday, October 01, 2010

Pas motaïve

Chuis pas motaïve pour updater mes différents blogs, en plus j'ai l'impression qu'ils ont tous été désertés. Faut que je reprenne sérieusement le dessin. En attendant, un truc que je devais faire depuis longtemps: transférer certains textes de mon ex-skyblog tout pourri à ici. C'est parti, premier transfert:

Corneille n'est pas un chanteur de arène bi.

Il a dû traumatiser votre adolescence lycéenne; je reconnais que d'être forcé à lire une de ses pièces, surtout dans le cadre scolaire, c'est détestable. Avouez-le, vous avez détesté Pierre Corneille. Vous avez détesté la voix nasillarde de votre professeur de littérature, qui ânonnait: ...aux âmes bien nées / La valeur n'attend point le nombre des années... Quelle importance, les mots de ces gens morts aux grands et nobles sentiments? Vous étiez jeune, et franchement, les problèmes de Rodrigue et de Chimène, ça vous passait un peu au-dessus de la tête. Vous auriez bien voulu faire votre fayot, et assurer au professeur que vous vouiez un culte absolu à la diérèse et à la césure à l'hémistiche, mais non. Vraiment rien à foutre.
Corneille n'est aimé ni des élèves, ni des lettrés. Ils lui préfèrent Racine. Ah, Racine; c'est sûr, ses vers sont moins empesés, les mots "honneur" et "devoir" ne reviennent pas en lourde litanie, ses personnages sont vraiment torturés et destroy, et s'ils ont quelque chose à dire, ils le disent, ils n'utiliseraient certainement pas cette énorme, cette invraisemblable litote: Va, je ne te hais point. Au lieu de dire: "Rodrigue! Salaud d'abruti, bâtard de con, SAUTE-MOI DESSUS, bordel, et faisons l'amour passionnément!"
C'est pourtant toute la beauté du théâtre de Corneille. La retenue, le poids des brocarts, de la société, du devoir, qui leste chaque mot, chaque vers. Et derrière, la passion, la liberté, l'envie de meurtre, la jalousie, la rage, le désespoir, retenus par le carcan des mots. Modérez ces transports, dit Elvire, la servante de Chimène: voici venir l'Infante.
Le Cid est un volcan. N'épargnez point mon sang: goûtez sans résistance / La douceur de ma perte et de votre vengeance. Sentez-vous ce furieux magma qui fait trembler la croûte de l'expression désuète? Il faut que j'ajoute entre parenthèses que Don Rodrigue est sans doute le personnage le plus sexy de toute l'histoire du théâtre. Écoutez plutôt:

Don Rodrigue
Quatre mots seulement:
Après ne me réponds qu'avecque cette épée.

Chimène
Quoi! du sang de mon père encor toute trempée!

Don Rodrigue
Ma Chimène...

Chimène
Ôte-moi cet objet odieux,
Qui reproche ton crime et ta vie à mes yeux.

Don Rodrigue
Regarde-le plutôt pour exciter ta haine,
Pour croître ta colère, et pour hâter ma peine.

Chimène
Il est teint de mon sang.

Don Rodrigue
Plonge-le dans le mien,
Et fais-lui perdre ainsi la teinture du tien.


Rodrigue et Chimène ne demandent qu'à se sauter mutuellement dessus et s'aimer, seulement voilà, ils ne peuvent pas. Alors ils reportent leur frustration sur une bête épée: "Tue-moi!
-Nan!
-Mais vas-y, ça va me faire plaisir!
-Nan j'te dis, c'est pointu ce truc, ça va abîmer ton joli corps, sois raisonnable!
-...
-...
-Qu'est-ce qu'on fait maintenant?
-Ben..."
Et ça va finir comme ça. Sur un point d'interrogation. Ce ne sera pas une hécatombe comme chez Racine; Rodrigue et Chimène resteront bien vivants, et se prendront éternellement le chou. Ou pas. Si, comme moi, vous aimez les histoires qui finissent bien, vous imaginerez une fin heureuse: il l'aime, elle l'aime, ils s'aiment, et puis voilà. Le Cid, c'est que du bonheur.

4 comments:

jellycat said...

Moi je les suis. Les deux.
Si tu veux les continuer, tu peux le faire pour moi.
Mais je comprends le "pas motaïve", étant moi même touché par le même mal, pour le blog comme pour autre chose.

Voila.

Chibilou said...

Ha, bah merci! ^^ Je vais tâcher de continuer alors.

bebers said...

Mais si, on suit tes blogs. C'est juste que tu as des lecteurs timides.
Et c'est vrai que le Cid a la classe comme mec.

PrincessD said...

Ma qué lé Cid il est bô ! Ma qué lé Cid il est viril ! Ma qué lé Cid il toue les idiots qui zont osé prendre ses filles pour des idiotes et il toue aussi les maures et ensouite il attache leur têtes à sa selle parce qué lé Cid c'est un hombre un vrai !

Bref moi j'aime Corneille mais bon, d'un autre côté la prof d'espagnol en moi elle pouvait pas vraiment faire autrement.