Ce qui était grandiose dans Rome, c'est qu'on sentait que chaque personnage avait son propre but et qu'il se trouvait que parfois, ils y parvenaient, et ça faisait l'Histoire. La moindre action avait forcément des causes politiques qui la sous-tendaient et ainsi tout se justifiait et retombait sur ses pattes. Dans Rome on ne sentait pas une seule seconde que c'était "écrit d'avance"; les personnages étaient ancrés dans une réalité tangible de vrais êtres humains, sans grandiloquence, sans livre d'histoire derrière eux. Ils respirent, suent, baisent, font caca (eh oui, pas comme Jack Bauer). Et ils ne se sentent pas obligés d'asséner les phrases pompeuses qu'on leur a attribué a posteriori.
Par exemple, un coup de génie, la mort de César : il tombe sous les coups, s'accroche à Brutus, allez, passage obligé, il va lui dire...
...rien. Il ne lui dit rien. Quoi??
Et les scénaristes de se gausser dans leur coin: sérieusement, vous vous attendiez à quoi? Vous pensez vraiment qu'en mourant, percé de 27 coups de poignard, quelqu'un peut balancer "Toi aussi, mon fils!"? Et puis quoi encore? Bienvenue dans le vrai monde!
Et puis les acteurs en imposaient, ils avaient tous la classe et la gueule de l'emploi. Dans Rome ils avaient compris qu'il n'y avait pas besoin de beaucoup pour qu'un personnage en impose: César est impressionant de prestance et de sobriété - un véritable général aristocrate - on sent dans Marc-Antoine toute la force solaire et l'impétuosité du personnage à peine apparaît-il à l'écran, et on reconnaît immédiatement dans le regard d'Octave l'intelligence machiavélique mêlée de la plus haute ambition.
Je ne parle même pas de Vorenus et Pullo, les héros de la série, personnages fictifs les plus réussis qu'il m'ait été donné de voir dans une oeuvre avec une base historique.
Dans les Tudors, on a droit à ça:
Ce babouin de Jonathan Rhys-Meyer, mauvais comme un cochon, roulant des yeux et aboyant à tout va pour compenser sa taille de nain, dépourvu de la moindre intensité - n'abordons même pas le manque total de charisme et de prestance. Il ressemble à un roi comme moi je ressemble à Pocahontas, et il n'arbore en tout et pour tout qu'une seule expression tout au long de la série:
Celle-ci. Je ne mens pas. Il ne fait que cette tête tout le long. On a toutes les peines du monde à comprendre ce qui se passe dans sa tête (rien, en fait), du coup les scénaristes sont gentils, ils le font parler tout seul pour qu'on comprenne comment il se sent: "Oooooh, la femme dont je suis tombé amoureux à l'épisode précédent, mais si, souvenez-vous, y'a eu un ralenti sur elle pour dire que c'était ELLE, celle qui m'était DESTINÉE, tout ça - je disais donc que la femme dont je suis tombé amoureux à l'épisode précédent m'a envoyé un cadeau. Qu'est-ce qu'il signifie? Un bateau. C'est la protection. C'est donc moi. Il y a un diamant au bout. Si je me souviens bien du poème de... etc etc" et ce pendant quinze bonnes minutes, j'exagère à peine, le mec parle à voix haute et fait de l'analyse en défiant visiblement toute logique. Hallucinant. Passons sur les moments de symbolisme de guignol, aussi, où quand il croit avoir la peste par exemple, il voit des gens enfarinés qui ouvrent la bouche comme des poissons rouges en faisant "RHHhhhh!" - genre il voit LA MORT tu comprends.
Les complots et les intrigues de cours se résument à deux branlecouilles qui se font un thé de temps en temps en parlant à voix basse et en se croyant malins, leurs dialogues étant principalement constitués de :
Branlecouille n°1: Krukrukru notre "affaire" se présente bien, n'est-ce pas?
Branlecouille n°2: Tutafééééé misseigneeeeuuuur... krukru
Branlecouille n°1: Un ou deux sucreskru?
Et en-dehors de ça ils en fichent pas une pour faire avancer quoi que ce soit; on a l'impression qu'ils attendent que ça se passe pour pouvoir dire après "C'est exactement ce que je voulais faire!"
Là où Cicéron dans Rome était un personnage ambigü, comploteur, certes, mais également idéaliste, ou encore brillant, certes, mais aussi lâche et veule; son pendant dans les Tudors est supposé être Sam "Jurassic Park" Neill en cardinal Wolsey, qui a le dos des mains qui brille à force de se les frotter. C'est un traître, c'est écrit sur sa gueule, par contre on a un peu de mal à déterminer ses motivations dans la vie.
Les seuls personnages un tant soit peu crédibles grâce à leur interprétation sont Catherine d'Aragon et François 1er (qui est trop cool, mais c'est normal, c'est François 1er), mais on ne peut pas dire qu'ils pèsent beaucoup dans cette intrigue foireuse et déjà étirée comme un chewing-gum (Henri VIII va divorcer de sa femme, épouser Anne Boleyn et devenir chef de sa propre église, seupère, osef, surtout quand tu sais que le scénariste de la série est le même que sur les deux films d'"Élizabeth" et on sent donc venir le même genre de propagande protestantiste complètement déplacée...).
Au final, les Tudors ne justifie son existence en tant que série que par les quelques scènes de cul gratuites disséminées à droite et à gauche, qui sont par ailleurs totalement dépourvues d'intérêt elles aussi - mal filmées, mal mises en scène, mal jouées (on a du mal à oblitérer les bruits de macaque dans notre tête quand on voit Rhys-Meyer à l'oeuvre) sans la plus petite once de sensualité. Et c'est le seul argument de vente de la série, pour preuve, cette image de promo d'un goût douteux:
"Le roi prend la reine." Seupèèèèèèère, Joe la classe! -0- Tain, et cette espèce de gilet gay...
Avec ma petite araignée de colloc on s'est fadé 7 épisodes en faisant autre chose (oué, les séries de merde c'est pratique pour faire autre chose) - c'est vraiment pourri, par contre ça reste mieux que Battlestar Galactica.
Mais tout juste.
Mais tout juste.
2 comments:
AHAHAHAHA! Merci, ce sera mon fou rire de ce dimanche après midi. Très bon article, très bien rédigé ! et surtout très vrai.
J'avais presque honte de ne pas adhérer à une série qui plaisait à tous (semblait-il) et qui avait tout pour me plaire (époque, costumes, intrigues, etc.)
Bon, y'avait l'autre kéké avec ses 0.2% de charisme dans le rôle titre mais enfin...
Et bah non. Malgré ma bonne volonté j'ai trouve ça chiant comme la pluie.
Je me souviens d'avoir entrevu un épisode qui commençait par la branlette royale matinale. Il en faut plus que ça pour m'étrangler avec un cookies mais c'était sans compter sur la mise en scène et le jeu d'acteur kitschissime. ça dû tuer de façon définitive mes derniers doutes : cette série était non seulement fichtrement ennuyante, mais aussi passablement ridicule.
Ah! et en matière de soliloque profond, mention spéciale à Sam Neil avant son suicide : dernière confession à haute voix sur l'indigne chrétien qu'il fut. L'idée était belle, on aurait dû en pleurer... mais 15 minutes de "je suis un vilain" déclamées dans le vide, non seulement on fini par le croire mais on attend qu'une chose : qu'il se décide enfin à se trancher la carotide.
Et moi je m'en vais relire la note sur Blondine Arc-en-Ciel. Celle là aussi elle rox ^^. J'adore ce blog !
Tout à fait d'accord, mais n'oublions pas "les Borgia"(la version française comme l'américaine ne vaut rien)...autant de séries prétextes à sortir des costumes 'historiques', comme si ça pouvait rattraper la nullité des acteurs.
J'ai trouvé ce Roi affligeant, regrettable que Canal+ ait acheté les droits de diffusion.
Bref.
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